L'hyperattachement du chien
L’hyperattachement du chien est une notion très répandue, mais non définie scientifiquement à ce jour en médecine du comportement. Elle qualifierait une dépendance du chien vis-à-vis de son maître et entraînerait une anxiété de séparation. Cet attachement excessif aurait pour origine la séparation précoce du chiot de sa mère à l’adoption. La notion d’hyperattachement suggère que le chiot reporterait son attachement sur son nouveau maître et exprimerait des angoisses lors de séparations.
Pourquoi l’hyperattachement n’existe-t-il pas en médecine du comportement ?
Le chien est une espèce nidicole c’est-à-dire qu’il y a construction d’un nid pour les petits qui sont immatures à la naissance. Pour les espèces nidicoles, il n’y a pas d’exclusivité de la relation mère-jeune, à l’inverse des espèces nidifuges telles que le cheval ou la vache. Ainsi, les petits peuvent être élevés par plusieurs femelles différentes, comme c’est parfois le cas chez le chat. De plus, cette relation mère-jeune s’estompe petit à petit, quand les petits commencent à sortir du nid. Il n’y a donc pas de détresse quand la chienne quitte le nid momentanément ou au moment de la séparation mère-jeune.
Cette relation s’arrête naturellement vers l’âge d’un mois et est remplacée par la relation jeune-jeune qui permet la socialisation du chiot. Ainsi, il est inutile de pratiquer une forme de « détachement » du chien avec son maître qui aurait pour seule conséquence d’accroître le stress et l’anxiété du chien.
La véritable explication aux symptômes de « l’hyperattachement »
On parle donc plutôt d’anxiété d’isolement que d’anxiété de séparation chez le chien. L’isolement est un véritable défi pour toute espèce sociale, y compris pour le chien.
Certains individus ou certaines races ont un tempérament mieux adapté à surmonter cette épreuve comme c’est le cas par exemple des Shiba Inu qui sont peu sociables et peu anxieux par nature. Au contraire, certains chiens très anxieux ne supporteront jamais une solitude supérieure à 4h.
Il est alors indispensable pour leur bien-être de consulter un vétérinaire comportementaliste qui mettra en place une médicalisation et un programme adapté. Par ailleurs, c’est une erreur de prendre cette forme « d’attachement » pour de l’amour et de se sentir valorisé par son chien, car en réalité, le chien en souffre et exprime uniquement sa détresse, son mal-être en le reportant sur son maître ou sur des objets.
Les symptômes de l’anxiété à l’isolement
Les principaux signes qui témoignent de cette anxiété à l’isolement sont la destruction, la malpropreté, les aboiements. Le stress consécutif du chien peut aller jusqu’à entraîner des vomissements, des diarrhées, un désintérêt pour la nourriture, l’eau et les jeux. Il ne faut surtout pas punir ou gronder un chien anxieux ou lorsque vous rentrez et constatez des destructions, car cela ne ferait qu’augmenter son anxiété et le ferait associer votre retour à quelque chose de négatif. De même, utiliser des colliers anti-aboiement ou enfermer son chien en votre absence sont des techniques contraires au bien-être animal et ne répondent pas au problème sous-jacent.
Si vous expérimentez ces signaux de détresse chez votre chien, il est urgent de consulter un vétérinaire comportementaliste.
Les solutions possibles
Tout d’abord, il s’agit d’aménager votre emploi du temps pour laisser le moins longtemps et le moins souvent possible votre chien seul. En Suède, il est interdit de laisser son chien seul plus de six heures. De même, les chiens de laboratoire ne doivent pas être confinés plus de quatre heures d’affilée d’après la directive européenne 2010/63/UE. De telles mesures témoignent de la gravité de l’isolement chez le chien.
Ensuite, pour les chiens extrêmement anxieux, le vétérinaire comportementaliste prescrira une médicalisation qui permettra de diminuer l’anxiété. A noter qu’il n’existe pas de preuves scientifiques de l’existence de phéromones aux propriétés apaisantes chez le chien.
Apprendre à son chien à rester seul
Un levier d’action pour un chien peu ou pas anxieux est de lui apprendre à rester seul dès son adoption.
Dans un premier temps, laissez-lui des jouets à disposition (jeux à mâcher, tapis de fouille, jeux de réflexion…) pour qu’il apprenne à s’occuper seul. Veillez à ce que son panier soit confortable et attractif, placé dans un lieu calme et sec.
Pour poursuivre l’enseignement, laissez-le avec ses affaires dans une pièce qu’il connaît puis après quelques minutes, sortez-en en fermant la porte. Répétez ensuite l’expérience plusieurs fois et plusieurs jours de suite à des heures différentes tout en allongeant la durée d’absence de manière progressive. Une fois l’étape de la pièce validée, vous pourrez vous absenter de chez vous d’abord 30 minutes puis une heure…
Toutefois, rappelons que le chien n’est pas fait pour être seul et que votre absence doit toujours être la plus courte possible.
Prévoir des occupations
Le deuxième levier d’action est de fournir à votre chien un environnement enrichi pour qu’il ne s’ennuie pas en votre absence.
Pour cela, prévoyez des occupations, des jeux, des jouets, des friandises cachées. Vous pouvez par exemple créer une boîte « magique » en carton dans laquelle vous cacherez bâtons, cordes à nœuds, kong avec friandises à l’intérieur, bouteilles, os, bois de cerf… Variez les plaisirs à chaque utilisation et ne l’utilisez qu’en votre absence pour que cette boîte conserve son intérêt aux yeux de votre chien. Cependant, il est possible que le chien hyper anxieux associe l’utilisation de cette boite ou d’un jouet spécial à votre départ et se mette à stresser rien qu’à leur vue. Dans ce cas-là, il est inutile d’insister, il faut consulter.
L’importance de l’activité physique et du contact social
Veillez à ce que votre chien ait une activité physique suffisante. Un chien doit être promené plusieurs fois par jour pour rencontrer d’autres chiens, flairer, courir, jouer. La dépense physique est indispensable à sa santé mentale et physique. De plus, une grosse balade avant votre absence permettra de le fatiguer, ce qui lui fera dormir en votre absence, diminuant ainsi son ennui et son stress.
Par ailleurs, chez un chien qui souffre d’anxiété d’isolement, il est contreproductif de l’ignorer ou de repousser le chien à votre retour dans l’idée de ne pas « marquer » le moment, car cela ne ferait qu’accroître la détresse de votre chien en manque d’interactions sociales.
En somme, l’hyperattachement n’a pas de fondement scientifique. Il ne s’agit pas de dépendance affective du chien pour son maître, mais de détresse liée à l’insatisfaction de ses besoins naturels qui doit être solutionnée après consultation d’un vétérinaire spécialisé en médecine du comportement. Le chien a besoin d’une importante activité physique régulière, mais également d’interactions avec d’autres chiens et avec son maître au travers de jeux. La solitude est non physiologique dans cette espèce et doit être limitée au strict minimum.
Par Clara Ottmann
Étudiante vétérinaire
Actuellement étudiante en 3e année, Clara Ottmann a intégré l'École Nationale Vétérinaire d’Alfort (ENVA) après avoir passé un concours d'entrée, suite à deux années de prépa BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) à Strasbourg. L'exercice vétérinaire en rurale l'intéressant tout particulièrement, elle souhaiterait devenir praticienne mixte canine-rurale.